Le 23.11.2006, l’affaire du B.U.B. contre la RTBF et la VRT a été plaidée devant la cour d’appel de Bruxelles afin d’obtenir un accès garanti aux médias publics au profit du parti centriste pour l’union nationale. Il s’agissait d’un débat essentiel pour la démocratie au lendemain des élections néerlandaises qui avaient permis aux nouveaux et petits partis d’accéder aux médias et ainsi également au pouvoir, une chose évidente qui laisse d’aucuns encore rêveurs en Belgique…
Rappelons que cette affaire a été déclarée recevable en première instance vis-à-vis de la RTBF uniquement et que le tribunal estimait que le B.U.B. était un parti stable et sérieux, mais que le tribunal n’osait pas aller au bout de son raisonnement considérant que le B.U.B. n’avait qu’à créer ses propres médias et faire plus de publicité…
Ainsi, le tribunal avait méconnu la connexité évidente entre l’action contre la RTBF et celle contre la VRT, les deux médias publics belges, et n’avait pas tenu compte du fait que 1) les résultats électoraux du B.U.B. étaient honorables pour un parti désargenté et privé d’accès aux médias, 2) que le B.U.B. avait déjà participé à deux élections (maintenant trois) et 3) qu’il défend une idéologie qui est partagée, selon certains sondages, par une large minorité de la population belge, qui est pourtant complètement discriminée par les médias publics.
Le débat mené devant la cour d’appel traitait en détail de toutes ces questions, parfois techniques.
Les avocats du B.U.B. étaient Maître Kathelyne Liétart et Maître Bruno Dessart.
Dans son exposé, Maître Liétart défendait le B.U.B. au niveau de la recevabilité. Elle critiquait le premier jugement en plaidant la connexité des affaires contre la RTBF et la VRT qui ont le même objet : un accès aux débats politiques diffusés par ces deux médias ” publics “. A cet égard, le premier tribunal s’était trompé sur la définition de la connexité qui n’a pas pour but de scinder deux affaires lorsque les règles applicables aux parties sont (légèrement) différentes ce qui pourrait donner lieu à des décisions divergentes, mais, en revanche, d’éviter que ces décisions le soient.
A titre subsidiaire, elle critiquait l’irrecevabilité de l’action contre la VRT, prononcée par le premier tribunal, au motif qu’il s’agissait d’une irrecevabilité non prévue par la loi et, en outre, totalement illogique.
Après avoir démontré clairement que le B.U.B. et les requérants personnellement disposaient d’un intérêt personnel, né et actuel pour intenter cette action en justice, elle exposait clairement que l’action pouvait aussi être considérée partiellement ad futurum visant la période électorale vu la discrimination patente dont le B.U.B. était victime dans le passé et la discrimination annoncée pour l’avenir.
Ensuite, il y avait un exposé sur l’étonnante et absurde objection de la RTBF selon laquelle pas tous les membres du B.U.B. auraient été présents lors de l’introduction de la citation. On voit pourtant mal comment un membre qui n’aurait pas voulu engager cette procédure en justice, aurait pu rester membre du parti…
Pour le reste, la décision du premier tribunal qui considérait le B.U.B. comme un parti sérieux et stable représentant un courant d’idées de la société, malgré le fait que, selon les premiers juges, pas tous les membres auraient été présents – quod certe non – a été approuvée. A fortiori, les membres présents pouvaient aussi représenter l’idéologie de la grande minorité nationale d’unitaristes et de fédéralistes d’union, une thèse véhément contestée par les parties intimées pour des raisons qui restent obscures.
Sur le fond, plaidé par le brillant avocat-stagiaire Bruno Dessart, le débat s’est corsé. Après avoir répété les bons scores du B.U.B. lors des élections précédentes de 2003, 2004 et 2006, le jeune avocat a rappelé que chacun a le droit d’accéder aux emplois publics, y compris les postes de parlementaires et qu’une saine démocratie n’était possible que par la confrontation de différentes opinions, mêmes si ces dernières ne sont pas encore appuyées par des mandataires élus. Faute d’une concurrence d’idées, il n’y a point de démocratie, celle-ci étant un principe fondamental du droit public belge.
L’OSCE avait d’ailleurs prôné clairement une égalité de traitement de tous les partis politiques en période électorale, ce que le B.U.B. n’osait même pas réclamer. La convention européenne des droits de l’homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la déclaration universelle des droits de l’homme, la constitution belge, les décrets sur la RTBF et la VRT, la commission et la cour européenne des droits de l’homme et les tribunaux belges ont également reconnu directement ou indirectement un droit d’accès aux médias publics au profit de nouveaux partis.
Ensuite, l’avocat du B.U.B. comparaît la situation du parti avec celle d’un avocat stagiaire, n’ayant encore gagné aucun procès, à qui le juge ne voulait accorder aucun temps de parole parce qu’il devait plaider contre un bâtonnier beaucoup plus expérimenté, qui lui avait déjà gagné plein de procès et qui pouvait, dès lors, monopoliser le ” débat “… La comparaison était marrante, mais ô tellement exacte.
Dans ses conclusions, la RTBF avait en outre fourni la vraie raison cachée de la discrimination du B.U.B.. Dans une note n° 17, elle avait suggéré que le programme unitariste du B.U.B. était fantaisiste, ce qu’elle essayait vainement d’escamoter et de contredire à l’audience.
La défense de la RTBF concernait notamment un arrêt du Conseil d’Etat de 2003 en cause de Monsieur Van de Cauter contre la RTBF. Elle tentait de démontrer que cet arrêt, qui avait déclaré l’action préélectorale du B.U.B. recevable, mais non fondée, était transposable en l’espèce. Rien n’était moins vrai car les circonstances ont totalement changé : à l’époque, le B.U.B. n’avait encore participé à aucune élection et n’avait pas invoqué l’argument de la discrimination de la minorité nationale.
Quoi qu’il en soit, les critères objectifs nécessaires pour bénéficier d’un accès aux médias (C.E., Dubrulle, arrêt n° 34.803 du 24 avril 1990) étaient bien présents : un passé électoral comme très peu de partis l’ont et un incontestable intérêt journalistique.
La RTBF et la VRT ne l’entendaient pas de cette oreille et reprochaient au B.U.B. de n’être qu’une ” bande de jeunes ” qui demande accès aux médias.. Il est vrai que le B.U.B. est jeune et surtout jeune d’esprit. Peut-être que c’était donc un compliment bien sympa?
Le B.U.B. espère qu’il sera enfin répondu à son argument supplémentaire de la discrimination de la minorité nationale d’unitaristes et de fédéralistes d’union (entre 25 et 40% de la population belge selon une étude extrapolée de la K.U.L. de 1999).
Est-ce normal que cette masse de Belges soient discriminée par des médias qui doivent être au service des citoyens ? L’on ose croire que non. Finalement, le B.U.B. ne demande qu’un minimum raisonnable : le droit de pouvoir participer à tous les débats politiques sur les chaînes de la RTBF et de la VRT lorsqu’au moins trois partis politiques y participent.
A juste titre, nos avocats demandaient aux parties intimées ce qu’elles y perdraient. Manifestement beaucoup lorsqu’on voyait l’acharnement avec lequel elles se défendaient contre la demande légitime du B.U.B.. De plus, il faut savoir que les médias publics sont totalement contrôlés par les partis traditionnels qui s’arrogent tout le temps d’antenne disponible. On se croirait presque en ex-RDA.
Le mot de la fin était pour le B.U.B. qui terminait sa brillante plaidoirie avec les mots éternels de Voltaire :
“Je ne suis pas d’accord avec vos idées, mais je me battrai jusqu’à la mort pour les faire entendre.”
Elle n’est pas belle, la démocratie ?